Que ma joie demeure!
Il est difficile d'être comique de nos jours, c'est un fait. Mais il est surtout compliqué d'exercer cette profession lorsqu'on a du talent. Pourtant les "showmans" ne manquent pas, singeant dans des "stand up" "l'entertainer" américain, dans leur manière de parler, de gesticuler, de conduire un raisonnement absurde pour tenter de nous soutirer une esclaffade sur ces tous petits riens qui mis bout à bout forment le néant de nos vies. Ils squattent nos télés le samedi soir, s'incrustent en access prime time en semaine, plombent nos dimanche après-midi. Difficile d'échapper à ces crampes, à un sketch sur le sexe, les nouvelles technologies ou sur les particularités d'une minorité raciale.
Et puis il y a comme une troupe d'artistes en marge, moins exposés, que nous appelerons "humoristes" et qui brillent, eux, sur "scène" avec beaucoup d'"originalité". Alexandre Astier en est un des plus bel exemple. Avec son spectacle, "Que ma joie demeure!", le créateur de "Kaamelot" s'approprie la vie du compositeur allemand Jean-Sebastien Bach, pour en faire un personnage odieux, doté d'un orgueil intellectuel insupportable mais sans cesse pardonné.
"Que ma joie demeure!" est un spectacle trés soigné autant au niveau de l'écriture, que de la mise en scène. Malgrès l'utilisation ininterrompue du vocabulaire âpre de la musique classique, rappelant à certains d'entre nous le traumatisme lié à l'apprentissage du solfège, bavant dans une flûte à bec des heures durant pour un résultat des plus médiocres, Alexandre Astier parvient à nous éblouïr par la maîtrise de son sujet tout en nous imergeant dans l'univers d'un génie de son temps. Ce spectacle, bien loin de ses premiers sketchs pompeux, mêle avec aisance et beaucoup de poésie le tragique et le comique.